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[Claudine94]

- Hommage à Abdelkader Meksa -

Son dernier album, “Amghar Azemni” (le vieux sage), sorti en 1988, quelques semaines seulement avant sa disparition tragique, contient une chanson pour le moins prémonitoire puisqu’elle ne parle ni plus ni moins que du retour au pays natal dans un cercueil.

Et c’est malheureusement dans un cercueil, justement, qu’Abdelkader Meksa est rentré dans son village quelques jours après sa mort survenue dans des circonstances obscures à Créteil, banlieue parisienne, le 30 octobre 1988, à l’âge de 34 ans. La cause de sa mort a été imputée à un accident de la circulation, mais cette version fut vite récusée par son frère cadet qui eut la charge de rapatrier la dépouille mortelle, lequel penchait plutôt pour un crime raciste maquillé, d’autant qu’à cette époque, la France connaissait un climat sans précédent de xénophobie alors que Meksa était connu pour sa défense farouche de ses origines et sa fierté d’être berbère.

Pour preuve, dans une interview donnée au magazine de l’Amicale des Algériens en Europe dans les années 80 et en réponse à une question se rapportant à l’avenir de Meksa en France, celui-ci répondit : “Ce serait plutôt un souhait, celui du retour au pays natal et en finir avec l’humiliation raciale”. Justement, selon des membres de sa famille, il se préparait à rentrer parmi les siens avant ce coup du sort. Il repose désormais aux côtés de ses parents, dans une colline donnant sur la mer méditerranée et sur les montagnes du Djurdjura, au cimetière de Sidi M’hand du village Mira, dans les Ath Djennad (Tizi Ouzou), où il a vu le jour le 4 juin 1954.

Tout jeune déjà, Meksa s’intéressait à la musique avant d’être engagé en tant que comédien et choriste au sein de la troupe théâtrale radiophonique de la Chaîne II à l’âge de 19 ans. Il quittera la radio au bout de deux années pour se consacrer à sa passion : la chanson. Entouré de son parolier Mouh Cherbi, Meksa participera dès lors, aux côtés de Djamel Allam, Idir, Ferhat Imazighen Imoula... à donner un souffle nouveau et un cachet franchement engagé à la chanson kabyle. A l’époque déjà, on retrouvait dans ses textes les noms des rois berbères et les néologismes tels tagrawla, agdud, agellid...

Comme Idir, Abdelkader Meksa a su allier l’ancien et le moderne et ce, en mariant les airs et les complaintes. Son répertoire est riche aussi des chansons traitant de la mythologie berbère, de nos contes anciens et de nos us et coutumes. Sa carrière en tant que chanteur démarre à l’âge de 21 ans avec l’enregistrement, en 1975, d’un 45 tours (Lundia), puis d’un 33 tours (Tafsut).

En 1976, année de son départ en France, il enregistre son premier album, “Taghuzi degidles”, dans lequel il revisite de nombreux thèmes liés à notre culture millénaire (timechret, anzar...). Son deuxième album, “Tagrawla” est sorti en 1979, quelques mois avant l’éclatement des manifestations d’avril 1980 (Printemps berbère). Les titres contenus dans cet album (Tafunsat igugilen, Zelgum, Massinissa, Tagrawla...) incitent à la prise de conscience en vue d’un combat identitaire pour la sauvegarde d’une culture qui n’a jamais été aussi menacée. En 1980, il enregistre son troisième album : “Amnekcem” (le colonisateur). Avec ce titre, il a voulu rendre hommage à la jeunesse du Printemps berbère qui s’est soulevée contre le déni identitaire.

Après une éclipse de quelques années, il sort son dernier album, “Amghar Azemni”, en 1988 avant sa disparition tragique qui a brisé ainsi une carrière pleine d’ambition. “Mon but dans la chanson, c’est de faire évoluer notre culture berbère et de la faire connaître dans le monde entier”, déclarait-il à Alain Sanders dans les colonnes de l’hebdomadaire “Aspects de la France” du 22 novembre 1981.

“On dit de lui que ses chansons sont un bouquet où se mêlent les parfums de l’âcreté sauvages des fleurs du Djurdjura à l’arôme des roses de Blida”.

PAIX à son ÂME !