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[Claudine94]

Une nouvelle menace en Kabylie : "l’invasion islamiste" :evil:

Les militants soucieux de leur kabylité sont, aujourd’hui, unanimes pour tirer la sonnette d’alarme sur la nouvelle menace qui pèse sur la Kabylie : l’invasion islamiste et ses incidences érosives sur la conscience collective, amazighe et kabyle, engrangée depuis plus de quarante ans de souffrances et de militantisme quotidiens.

Dès lors qu’à ce nouveau fléau, l’on n’oppose que démission et défection, un sentiment de désarroi et d’impuissance s’empare de la plupart de celles et ceux qui craignent de voir ruinées des décennies de luttes politiques et culturelles amazighes au profit de ce fascisme rampant qu’est l’islamisme. On pourrait croire que ce n’est là qu’une manœuvre de diversion de la part du pouvoir algérien pour détourner les Kabyles de leurs actuelles revendications autonomistes, ou de celles de la plate-forme d’El-Kseur du printemps noir 2001 liées notamment au jugement des gendarmes assassins de nos enfants, à l’officialisation de la langue amazighe ou encore « au transfert des pouvoirs exécutifs aux instances démocratiquement élues ».

Défection des partis et des archs

Il en est ainsi, depuis que le Mouvement culturel berbère n’est plus, que les partis politiques sont absents de leur terrain pour ne s’occuper que de la gestion des carrières de leurs cadres et s’éreintant vainement, dans le meilleur des cas, à se mesurer à un pouvoir beaucoup plus fort qu’eux, tout en oubliant la Kabylie. Quant aux Archs, surtout ce qu’il en reste après leur dislocation à la veille du putsch qui a consacré la victoire de la minorité dialoguiste, ils ont fini par ne plus incarner l’idéal commun qui faisait leur légitimité.

Aujourd’hui, seuls les autonomistes en général et le MAK en particulier pourront contrecarrer ce phénomène islamiste que personne, parmi l’élite de la région, ne prenait vraiment au sérieux il y a à peine une année. Cependant, cette résistance n’est possible qu’à condition de parvenir à capitaliser et fédérer toute la sympathie et la nouvelle espérance suscitées par l’idéal autonomiste au sein du peuple kabyle et surtout, si ce dernier réussit à s’organiser massivement dans la perspective de réaliser son objectif principal : l’autonomie régionale pour la Kabylie.

Depuis le début des années soixante, les militants défendant les aspirations et les valeurs de Tamurt n Leqvayel ont eu les yeux braqués sur le pouvoir en place pour contrer ses politiques destinées à effacer l’identité kabyle. Aujourd’hui, notre région qui a pâti de la longue et dure épreuve du printemps noire 2001 se retrouve exsangue ; la mobilisation permanente pendant trois ans n’a débouché, auprès du citoyen kabyle, que sur un sentiment de frustration ayant fini par casser un certain nombre de ses ressorts internes et de ses défenses immunitaires. Celles-ci ont été éprouvées également par l’exode massif vers la France de quelques 100.000 jeunes Kabyles suite à l’avènement du terrorisme islamiste puis des massacres du printemps noir 2001 en la dévitalisant de manière assez grave.

Prosélytisme arabo-islamiste

C’est ce moment que choisit le pouvoir, en collusion avec l’internationale islamiste, pour envoyer militants et terroristes, repentis ou élargis, pour reconvertir la Kabylie. Nous l’avons déjà écrit, il veut réussir par la mosquée là où il a échoué par l’école arabisante. Nous nous posons même la question de savoir pourquoi, il n’y a qu’en Kabylie que le terrorisme intégriste sévit toujours alors que partout ailleurs il s’est quasiment éteint. N’est-ce pas là un élément d’une stratégie visant à favoriser un climat d’insécurité pouvant déboucher sur le syndrome de Stockholm ? Alger est décrété pour 2007 « capitale de la culture arabe ». L’amazighité, encore moins la kabylité, sont enveloppées de mépris.

Pour le moment il y a une débauche d’argent et de moyens sur la Kabylie pour son islamisation : construction de mosquées financées par des fonds pour le moins suspects. L’actuel premier ministre, lors de sa visite dans la circonscription d’Iferhounène en août 2006, avait refusé un budget pour la construction d’un hôpital dont elle manque cruellement. Par contre il avait dit qu’il finançait un gigantesque institut islamique à Guendouz, dans la région d’Akbou, et qu’il se disait prêt à en construire immédiatement un autre en Kabylie, si on lui en faisait la demande. Des jeunes désœuvrés sont salariés au service de l’embrigadement de leurs camarades en les incitant à aller à la mosquée. Des cours de formation militante leur sont prodigués au vu et au su de l’ensemble des autorités et surtout avec leur bénédiction, voire leurs vifs remerciements. Des imams salafistes ont été envoyés dans les villages pour rallier à leur cause les villageois. Une pléthore de militants islamistes d’Alger et d’ailleurs viennent prier dans les mosquées kabyles pour soutenir l’illusion d’une conversion des Kabyles aux thèses islamo-baathistes. Ces militants ont imposé à Draa Ben-khedda, ex Mirabeau, une localité à 11km à l’ouest de Tizi-Ouzou, de geler toute activité commerciale pendant la durée de la prière du vendredi. Il y a eu quelques tentatives de ce type sans succès à Vgayet (ex Bougie). Des restaurants « halal » sont ouverts à Akbou et à Bouira. L’encadrement administratif universitaire est de plus en plus confié à cette tendance politique et encouragent des étudiants islamistes contre les démocrates, y compris par la violence. Les étudiants du MAK à Tizi-Ouzou sont déférés devant la justice pour leur hostilité à une prise en main des comités de cité par les partisans de l’islamisme. Même les nominations de responsables politico administratifs envoyés en Kabylie sont faites par Alger sur la base de leur obédience islamiste. Des citoyens kabyles n’ayant pas observé le jeûne du ramadhan sont jugés et emprisonnés. Aujourd’hui, se termine un colloque international de trois jours sur le « soufisme » un mysticisme islamique inconnu jusque là en Kabylie. C’est comme si celle-ci n’avait pas de thèmes vitaux à traiter aussi bien sur le plan culturel que social ou politique. Les « maisons de la culture » de Vgayet, de Tizi-Ouzou et de Bouira sont réservées des semaines durant l’année à des expositions et des manifestations islamistes. Même une sommité de l’intégrisme égyptien, en l’occurrence El Qardawi, a été ramenée en grande pompe à la maison de la culture « Mouloud Mammeri » d’où il a insulté les femmes kabyles pour leur refus de se voiler. Des caravanes islamiques sont organisées par les autorités officielles à travers toutes les circonscriptions de la région.

Bref, le pouvoir algérien a confié la sous-traitance politique de la Kabylie à l’islamisme. C’est le résultat de la politique de « réconciliation nationale » du régime avec le mouvement intégriste, c’est le résultat de leur pacte secret dont le référendum du 29/09/2005 était l’expression légalisée. Aux yeux du pouvoir, la Kabylie doit être déstructurée, dékabylisée. Pour lui, et il n’a pas tort, le repli sur l’islam est le meilleur vecteur de la culture de la haine de l’autre pour diaboliser l’universel que les dictatures, dont la militaire algérienne, craignent par-dessus tout.

Le régime a décidé de tuer la Kabylie. :twisted:

Cette offensive multiforme contre le peuple kabyle n’en est qu’à ses débuts. Il faut s’attendre très vite à son amplification et à des développements d’envergure. Dans un premier temps, ses planificateurs visent à faire émerger un mouvement islamiste kabyle qui finirait par l’arabiser. L’Algérie se définit comme un pays arabe et musulman où l’arabe islamise et l’islam arabise. L’ennemi en est la démocratie et la kabylité, intimement liées jusqu’ici. Cette dernière est brandie comme un spectre menaçant en permanence l’unité nationale. Celle-ci, selon nos assaillants, doit effacer toute différence linguistique et ethnique sur le territoire algérien. Même le stérile débat instauré ces jours-ci, par l’entremise d’un kabyle de service missionné par Alger, sur la graphie dans laquelle devraient être enseignées les langues amazighes dont fait partie le kabyle, ne vise en réalité qu’à faire passer au forceps la graphie arabe contre la latine actuellement usitée en Kabylie.

C’est dire que la situation est grave, très grave ! Elle interpelle chaque Kabyle digne de ce nom. Il est encore temps de se ressaisir et de faire barrage tous ensemble contre cette invasion fasciste de ce bastion de la démocratie qu’est la Kabylie où prospèrent encore les valeurs universelles.

Pour autant, qu’on ne se méprenne pas sur nos intentions. Il n’a jamais été question pour nous d’interdire à qui que ce soit la pratique de sa religion ou la croyance qui est la sienne. Justement, la Kabylie a toujours trouvé son équilibre religieux dans la laïcité. Il serait suicidaire de notre part de baisser la garde et de nous laisser envahir par des pratiques et des mœurs incompatibles avec la liberté et le respect d’autrui.

Tous unis pour sauver la Kabylie

C’est pourquoi le mouvement associatif kabyle, la masse estudiantine, les comités de villages et de quartiers, les pères et les mères, les femmes ainsi que l’ensemble des intellectuels et des forces politiques démocratiques kabyles ont l’obligation militante de s’impliquer sinon dans ce combat pour la sauvegarde de la Kabylie, du moins dans le débat sur la gravité de la situation actuelle.

Il ne s’agit pas là, pour nous, de sauver l’avenir d’un leader politique ou celui d’une organisation quelconque. Nous avons à sauver l’avenir de toute la Kabylie, de ses enfants, et ce faisant, celui de la démocratie, de la liberté et des valeurs universelles qui contribueront, à partir d’ici, à préserver la paix à l’échelle de l’Algérie, de l’Afrique du Nord et de la rive sud de la Méditerranée.

Si les forces conjointes de l’Islamisme et de l’arabisme de l’État algérien rencontrent peu de résistance à leur idéologie assimilationniste en Kabylie, c’est seulement à cause de l’effet de surprise et surtout de leurs relais dévoués, autant dans la société qu’au sein de formations politiques locales inaptes à répondre aux exigences du peuple kabyle plus que jamais conscient de la menace qui pèse sur lui.

Ce énième assaut contre l’avenir démocratique de la Kabylie justifie plus que jamais notre droit à une autonomie régionale. Aussi, même si nous n’avons pas d’argent et ne détenons pas les institutions de l’État comme nos adversaires, nous avons le DROIT de notre côté et surtout la force de nos convictions, de notre dignité et de notre détermination à arracher les revendications légitimes du peuple kabyle.

Nous avons une mémoire collective à honorer et l’obligation de n’oublier aucun des martyrs de la Kabylie, que ce soit durant le Mouvement national, la guerre d’indépendance, celle du FFS, des printemps kabyles et de nos illustres intellectuels militants assassinés ou morts de façon naturelle.

Nous n’en voulons pour preuve que cette alarme d’aujourd’hui tirée de toutes parts en Kabylie où chaque citoyen digne de ce nom semble avoir pris la mesure du danger et de l’urgence de réagir sainement et pacifiquement.

Université de Bgayet le 12/12/06

Ferhat Mehenni